Friday 9 August 2013

Photos Amay-Arlon

Amay-Arlon

Que dire de cette première marche d’Amay à Arlon, si ce n’est qu’elle m’a réservé des paysages merveilleux ? Cette randonnée d’essai est de toute beauté et je la conseille à quiconque désire voire le plus beau du sud de la Belgique.

Après des adieux trop courts, ma route m’a réservé une première petite épreuve. Quittant la banlieue d’Amay, le chemin indiqué sur la carte topographique se change rapidement en une jungle miniature de fougères et m’oblige à user de ma boussonis par trouver un chemin empierré en haut de la côte. Celui-ci me mène tout droit vers le début de ma voie romaine, encore enherbée. Le voyage commence.

Cette première demi-journée fut consacrée à la traversée du Condroz, où trois couleurs dominent en cette saison : le vert de bosquets, l’or des champs d’orge et de froment, et le bleu du ciel. Quelques teintes de gris ponctuent le regard lors de la traversée des villages : Strée (du Latin « via strata », voie pavée), Ramelot, d’où la voie n’est plus praticable, Terwagne (Teruonia) où je la retrouve, Vervoz (Vervigum), ancien « vicus », ou village durant l’antiquité, puis Chardeneux aux abords duquel je retrouve un court tronçon de ma chaussée. Un monsieur à qui je demande de l’eau me dit que Rome n’est pas loin : « c’est juste avant d’arriver à Durbuy ». 

Il est rare de pouvoir constater au détour d’un chemin les confins de deux régions géologiques : arrivant au sommet de la dernière colline du Condroz, la Famenne s’offre au regard, large et verte. Mais déjà l’asphalte fait sentir son effet sur mes pieds et c’est à Somme-Leuze que Cédric et son épouse m’offrent un coin de leur jardin pour planter ma tente et une agréable conversation pour meubler ma soirée.

L’avantage de dormir dehors est qu’on se réveille avec le soleil. La traversée de la Famenne se fait aisément en une matinée : je n’ai que Grandhan à traverser pour me trouver face aux Ardennes à Hotton, qui est la seule agglomération de taille sur ma route. La voie romaine n’est malheureusement plus praticable désormais, mais elle traversait probablement cet ancien oppidum (ville fortifiée) gaulois dont on retrouve des vestiges sur les hauteurs du « Ti Château ». 

L’Ourthe est assez puissante à cet endroit pour avoir percé son lit perpendiculairement aux premières crêtes des Ardennes. Sa rive droite offre un joli chemin de randonnée, assez sauvage au début, puis parfaitement aménagé pour distraire les nombreux vacanciers néerlandophones qui peuplent la région en été. A Rendeux-Bas, je m’offre une pause de midi qui se révèlera par la suite trop courte, et mes pieds et épaules ne manqueront pas de me le rappeler. Quatre kilomètres d’asphalte à partir de Marcourt auront raison d’une bonne part de mon énergie avant même d’aborder la première côte ardennaise. 

N’ayant pas trouvé le début du prochain tronçon de la voie romaine au croisement de la N888 et N833, je m’engage un kilomètre plus loin sur un chemin forestier vers Beausaint, bourgade dortoir et fermière typique de celles que je traverserai jusqu’à Arlon. Elle me permet malgré tout de rejoindre la voie jusqu’à Beaulieu (Béleu en Wallon) où je m’écroule à bout de forces. Grâce au ciel, le gardien d’un gîte prend pitié de moi et m’offre gracieusement une chambre. Après 35 km sans compter les dénivelés, j’accepte sa proposition providentielle avec empressement.

Quittant Beaulieu, la voie redevient aménagée jusqu’à ma prochaine pause de midi aux abords de Bastogne. La campagne est ponctuée de forêts, prés, champs de seigle et de froment et vallées où nichent villages et mouvements de jeunesse. En début d’après-midi, face à l’obstacle créé par l’E25, ayant besoin de ravitaillement et mes chaussures me faisant de plus en plus mal, je décide de rejoindre Bastogne pour une après-midi de récupération. Le curé m’offre le chapiteau du jardin de son presbytère pour dormir. De nouvelles chaussures et un repas chaud dans une brasserie me redonnent confiance au lendemain.

Le quatrième jour, j’ai fait quelque chose que je ne ferai probablement plus. 45km séparent Bastogne d’Arlon par les petits chemins, sans compter les dénivelés. Sachant qu’une douche, un lit chaud et un accueil chaleureux m’attend chez Coralie et Benoit, je décide de les faire d’une traite. Un bus des TECs m’emmène jusqu’au point où je reprends la voie romaine 1 km avant Assenois. Je l’empreinte avec sourire et la pluie commence à tomber. Elle tombera jusqu’à midi. La voie romaine disparait après Hollange et je décide de suivre le tracé d’un ancien tramway vicinal qui descend la Strange et la Sûre, affluents du Rhin. On sent peu à peu que le paysage change et qu’on flirte avec les confins des Ardennes. 

A Wisembach, près de Martelange, je m’offre une trop courte pause avant de traverser une partie de la forêt d’Anlier où je retrouve satisfait cette chaussée qui jadis était une artère d’un empire et qui maintenant n’est plus qu’un chemin empierré pour les touristes et forestiers. Je constate qu’en Belgique, ce qu’on appelle une forêt n’est en fait qu’une succession de champs d’épicéas et de hêtres… La voie se jetant à nouveau dans la N4, je me renseigne auprès de deux bucherons qui m’affirment que le sentier que je devais suivre n’existe plus. Je décide donc de sortir de la forêt la boussole en main et le dernier paysage de Belgique s’offre à moi : la Gaume. Celle-ci ressemble soit à la Lorraine française, soit au Luxembourg, qui sont en fait la même région historique : la Haute-Lorraine. En revanche, culturellement, la Gaume est la frontière entre la Belgique romane (parlant wallon), le Luxembourg et sa langue germanique et la France de la langue d’Oïl. 

C’est avec des pieds criant leur fatigue que je gravis, 13 km plus tard, la dernière montée en entrant dans Arlon (Orolaunum), où je m’assieds avec délectation sur un banc mouillé en attendant Benoit et une réconfortante soirée en compagnie de sa famille. 

J’ai appris deux choses en ce début de pèlerinage. Si les jambes n’en peuvent plus, l’esprit reste vif : en effet, une longue marche est avant tout un exercice physique. Ensuite, une vraie pause de midi s’impose, parce que la journée est plus longue que le temps qu’on peut passer à marcher.