Sunday 18 August 2013

Arlon-Metz

Il faut une bonne heure en voiture pour faire la route d'Arlon à Metz. Peut-être un peu plus si vous faites le plein à Luxembourg. En revanche, à pied, cela vous prendra trois jours si vos jambes ont l'habitude de battre l'asphalte. Pour ma part, cela m'a pris quatre jours, dont deux demi-journées.

Après un arrêt forcé pour causes professionnelles à Bruxelles d'à peu près une semaine, Mimi m'a accompagné à la gare centrale de Bruxelles et c'est le cœur (très) gros que nous nous sommes quittés à nouveau, cette fois-ci pour plusieurs semaines. Deux heures et demi m'ont ont suffi pour arriver à Arlon et enfin reprendre ma route. L'ancienne voie romaine vers Metz quitte le sud par Weyler et Hondelange. Ensuite, elle disparaît. Je déroge alors à mon trajet initial pour piquer droit vers le sud et Athus, petite ville à la prospérité passée et située sur le carrefour des trois frontières. Peu de Belges y ont jamais mis les pieds, et les gens de là-bas commencent à dire qu'ils ont déjà été à Bruxelles, ce qui prête à croire que c'est un fait exceptionnel.

A Athus, je me renseigne sur la résidence de monsieur le curé, pensant que ce serait une personne appropriée à qui je pourrait demander un carré de jardin pour planter ma tente. Une dame me propose avec enthousiasme de m'y conduire et me voilà chez le Père Jean-Pierre, dans son jardin, à côté d'un potager dont la luxuriance ferait blêmir certains. La conversation est fluide, sans toutefois creuser les profondeurs. Elle porte sur mon chemin, la condition de pèlerin, la Bible et son histoire, les actualités. Je l’interroge sur un peu sur la situation sociale des environs et elle ne semble pas brillante. Oubliés de Paris et de Bruxelles, délaissés du Luxembourg, c'est ce que je constaterai de cette région d'Europe durant toute sa traversée.

Cette soirée du quinze août se passe en compagnie de deux amis de mon hôte, Patricia et Dominique, et est délicieusement parée d'un honorable couscous préparé par ce dernier. Mais déjà le soir tombe et je regagne ma tente. Le matin, après un café en compagnie du prêtre et de son vieux jardiner, je quitte Aubange vers le Luxembourg. Mon parcours est jalonné de souvenirs de l'Antiquité et du Haut Moyen Age: les quelques fouilles sur le Tëtelberg, ancienne capitale de Trévires (merci Serge) et des sections de voie romaine à Belvaux et aux alentours d'Adun-le Tiche (Aquaeductus). Déjà, mon genou se fait sentir et je m'arrête à Volmerange-les-Mines. Il n'y a plus de mines dans la région, et depuis longtemps, mais certains artefacts exposés dans les jardins et dans la rue rappellent cette période fastueuse. Un vieux couple m'offre un pré adjacent à la forêt pour planter ma tente. Je la monte et passe une agréable soirée à côté d'un petit feu de camp.

L'avantage, quand on marche, c'est qu'on vis à l'heure du soleil. Dix heures du soir, c'est lumières éteintes et le lever en cette saison est à six heures. Après cinq kilomètres d'asphalte, je m'arrête pour un petit café à Hettange-Grande (Caranusca). Suivent ensuite quelques kilomètres de forêt dans laquelle je retrouve la grande voie publique reliant Lyon et Trêves. Je la suivrai jusqu'à Metz et c'est plus de trente kilomètres d'asphalte dont mes genoux vont souffrir. Préoccupé par ceux-ci, je décide de m'arrêter à Hagondange.

L'ennui avec les grandes agglomérations, c'est qu'il y a trop de monde à qui quérir la courtoisie, et les gens s'interrogent "pourquoi chez moi" et s'inquiètent. A l'église de Richemont, la bourgade précédente, on me dit que je ne trouverai aucun endroit pour planter ma tente et que le curé d'Hagondange est en vacances. Je décide alors de bénéficier à nouveau de l'hospitalité de la forêt car après tout, elle ne demande rien à personne. Et puis, il n'y a rien de tel que d'écouter le chevreuil faire ses cornes à la tombée du soir.

Ce dernier jour, enfin, je reprends ma voie romaine qui est, depuis hier, devenue soit une route de banlieue, soit l'artère d'une zone industrielle. Je passe mon chemin contemplant les géants du passé: hauts-fourneaux, laminoirs, postes de gaz et électriques, presque tous fermés. Je philosophe alors sur les revêtements idéals pour les jambes des marcheurs. Après quinze derniers kilomètres sur une route sans charme, je finis par atteindre Metz (Divodurum) pour trouver porte close à l'auberge de jeunesse. Je pose mon sac dans un café et pars alors en reconnaissance de cette ville, toute somme faite, assez touristique et recelant quelques joyaux d'antan: la cathédrale, Saint-Pierre-aux-Nonnains et un musée municipal labyrinthique.

C'est après une douche salutaire que je vous écris de l'auberge de jeunesse finalement ouverte. Je compte passer une nuit de plus à Metz pour panser mes plaies, m'équiper d'une carte sim française, faire une lessive et renvoyer par la poste quelques effectifs superflus. En France, le dimanche, presque tout est fermé. Et puis, je serai content de quitter cette région où presque tous les toponymes terminent en -ange; je ne m'y retrouve plus.