Saturday 14 September 2013

Lausanne-Aosta


Après un très agréable weekend chez Vinciane et Pierre-Emmanuel, je reprends le train pour Lausanne. Arrivé sous une pluie battante, l'organisation suisse fait que je trouve immédiatement les correspondances de bus et métro et arrive à Vidy en un rien de temps. Vidy est une de ces banlieues sans beaucoup de charme mais présentant l'intérêt d'avoir une auberge de jeunesse, pas donnée mais à cinq étoiles pour son espèce. 

Arrivé, j'ai la désagréable surprise de me voir annoncer qu'il n'y a plus de place. La rentrée universitaire et ses mondanités on fait que même les dortoirs de la ville sont complets. Le regard désemparé, je reste debout et un des réceptionnistes propose à un visiteur que je partage sa chambre. Celui-ci, content de pays la moitié du prix, accepte immédiatement et me voilà parti pour partager mon intimité avec Kemel, citoyen algérien.

La journée suivante est consacrée au Léman. Grande plaine liquide, il scintille au grand soleil revenu. La première partie du chemin longe le lac passant devant les villas, les ports de plaisance et les petites villes pittoresques. Ensuite vient une jolie route serpentant entre les vignobles et enfin, c'est la riviera suisse avec Montreux. Le château de Chillon trône, toujours imposant sur sa roche, comme pour defier la futilité des passants. Le camping de Villeneuve se propose à ma vue et j'y repose mes jambes meurtries par 37 kilomètres de béton.

Ensuite commence la longue montée des Alpes. Ma première étape est l'appartement de Diedrich, travaillant en Suisse mais étant en vacances pour une semaine. Il a très aimablement mis sa propriétaire au courant et je passe la nuit chez lui, à Vérossaz, juste au dessus de Saint-Maurice. Jusque là, cela ne monte pas encore tellement, et cela reste ainsi jusqu'à Martigny, l'antique Octodurum. La ville est pleine de ruines romaines parsemées ici et là, et c'est un bonheur de fumer une pipe au dessus des gradins de l'amphithéatre, regrettant presque qu'on n'y donne plus de spectacles.

L'après-midi, je retrouve mes jolis chemins de terre et j'avale avec plaisir les escarpements de la vallée de la Dranse par Bovernier, Sembrancher et enfin Orsières où je passe la nuit dans l'abri aménagé par les Augustiniens. L'air étant de plus en plus alpin, je m'y réfugie avec plaisir. Comme l'appartement ne dispose pas de salle de bain, je fais quelques aller et retour aux toilettes publiques, les trouvant immaculées... Après le balisage impeccable des routes, c'est le deuxième détail insolite qui me frappe dans ce pays.

Orsières est à vingt cinq kilomètres du Grand-Saint-Bernard, avec près de 1500 mètres de dénivelé. Pour être sur d'y arriver à une heure convenable, je me réveille à 5h30 et traverse la forêt négligeant les deux bourgades du coin, Liddes et Bourg-Saint-Pierre. L'alpage est radieux sous un soleil éclatant. Poussé par une vent du nord opportun, je monte jusqu'au lac, puis m'engage sur des vestiges de la voie romaine pour atteindre la Combe des Morts, derniers passage avant le col. Le paysage devient lunaire, avec seule de l'herbe, des petites fleurs, des mousses et plantes grasses pour habiller les roches. A cent mètres du sommet, il commence à neiger. Enfin, je fais irruption à l'accueil de l'hospice, pour y trouver une poignée de pèlerins et de randonneurs et un bon père pour me servir du thé sucré.

L'ambiance au Grand Saint Bernard est assez cosmopolite. J'y trouve quatre dames suédoises, deux allemands faisant la même marche, idem pour un couple d'Australiens, des Français et même une volontaire belge! La converation est d'ordre pratique. On se pose les questions habituelles telles que d'où on vient, où va-t-on. Une conversation avec un des pères augustiniens et un ancien pèlerin français sont les seules vrais échanges que j'ai avec des personne neuves depuis celui avec la propriétaire du chalet à Vérossaz. Surprise, Marie-Agnès, une vieille amie. Cela fait chaud au coeur de se renouer avec une vieille amitié dans un endroit aussi inhabituel! Mais déjà le soir tombe, il gèle dehors et le sommeil me gagne. C'est agréable de se sentir protégé dans un environnemennt hostile. Demain, c'est la Suisse et la deuxième moitié de mon périple.

Si vous passez un jour par là, je vous recommandrai de ne pas quitter l'hospice trop trôt matin. Le vent est cinglant, glacial, et le givre omniprésent. Ce n'est qu'après une bonne heure de marche et quelques centaines de mètres plus bas que l'atmosphère se réchauffe et que le soleil fait son effet. Après les hauteurs vient une belle forêt de mélèzes et c'est la descente dans la vallée. Je décide de m'arrêter à Etroubles, le deuxième village, pour arriver le lendemain à la mi-journée à Aoste. Puis, je peux y loger chez les soeurs salésiennes. Je passe néanmoins l'après-midi à découvrir qu'il n'y a décidément pas grand chose à faire dans le bourg, sauf surfer sur internet dans un café pour touristes... Le soir, en revanche, j'ai un agréable échange avec une des religieuses qui me raconte son parcours. C'est bien de voir autant d'anthousiasme après 40 ans de voeux prononcés...

Ce matin, de jolis sentiers parfaitement indiqués m'ont mené à travers bois et banlieues à Aoste. Je découvre avec plaisir cette ville bien vivante, bien équipée et gorgée de vestiges de l'Antiquité et du Haut Moyen Age. Puis, cela fait du bien de trouver un bar sur une rue marchande, y boire une bière et observer les gens. Demain, ce sera encore l'Italie, sa vie accessible, son café, la gentille superficialité de ses habitants, et ce jusqu'à Rome.