Sunday 22 September 2013

Aosta-Pavia


Le Val d’Aoste est sensé être une des plus belles régions d’Europe. Il est vrai que les montagnes, hautes aux alentours, descendent en pente lentes vers la vallée où coulent des torrents, les berges de ceux-ci étant couverts de prés et de vergers. Pommiers, poiriers et figuers y forment des contingents immobiles. Malheureusement, comme si la pluie était une fatalité, elle tomba des le moment ou je quitté la gentille paroisse de Saint-Martin de Corleans, près d’Aoste, où j’avais passé la nuit. 

Elle tomba toute la journée, et la seule consolation dont je me souviens et celle de pommes délicieuses et de figues suaves. La pluie n’est pas grave en soit, mais avec elle, dans les montagnes, on a l’impression d’évoluer comme dans une bulle. Elle vous empêche d’apercevoir le prochain vallon et il n’y a qu’une carte pour vous indiquer ou vous êtes. 

C’est dans l’état d’esprit d’un aveugle que je traversai Chatillon, pourtant un joyau de la région, avec son pont romain vertigineux, et que j’arrivai à Saint-Vincent, où des gens dans un bar m’ont gentiment indiqué l’adresse d’un B&B. Dès l’arrivée, je pris une douche et en plus de cette consolation, je passai la soirée alongé et m’offris le luxe d’un film à la télévision. 

La descente vers Ivrée est assez longue. Les flancs de montagne sont nombreux et leurs rochers sont souvent couronnés d’anciens château médiévaux. Les villages, presque toujours en vallée, n’ont qu’un clocher pointu pour relief. C’est l’Italie des chiens qui commence. Normalement de garde et enfermés, certains Piémontais concrètisent leur méfiance envers toute personne étrangère en les laissant faire la garde proactivement, en allant à la rencontre de l’intru pour lui signifier qu’il n’est pas le bienvenu. Cette attitude de méfiance, que je retrouverai jusqu’à Vercelli, est très déroutante pour le moral, et éveille une forme d’agressivité qui, sans doute, exacerbe la froideur des gens. Seule la patronne d’une charcuterie à Borgofranco d’Ivrea m’offre un poulet roti en échange d’une prière pour sa famille... Cela réchauffe le coeur. 

 Je revois à Ivrée (apres une nuitée à Donnas) un couple de retraités américains (Tom et Yvonne) qui passent leurs vacances à faire le tour des pélérinages d’Europe. Je retrouve auprès d’eux la simplicité, la gentillesse et la modestie qu’ont beaucoup de leurs compatriotes. Je les croiserai encore sur une étape, et c’est l’occasion de faire plus amplement connaissance “au passage”. Nous dinons ensemble, savourant un repas entre bons amis. Ivrée étant d’une beauté plus discrète, j’y fais sommairement une visite et me prépare pour le lendemain. 

Des cartes de la Via Francigena sont d’ailleurs disponibles gratis à l’office du tourisme. Elles m’aident à franchir les dernières collines, par le lac de Viverone, jusqu’a Santhià. J’entre dans un monde complètement different: des champs de maïs, des rizières, des chemins en gravier ou en terre favorisentla marche mais donnent l’impression d’être dans univers à deux dimensions. Santhià, comme les autres villages et villes par la suite, semble surgir de l’horizon. Les gens deviennent peu à peu de plus en plus accueillants, et de nombreuses conversations chaleureuses ponctuent mon chemin. Je retrouve la gentillesse polie des italiens, qu’on sent parfois teintée d’une superficialité tâquine, parfois de sentiments profonds. 

Sur ma route, me retournant, je vois les Alpes s’éloigner peu à peu comme les montagnes dans le décor d’un jeu vidéo de course d’antant. Il n’y a sur mon chemin qu’un talud d’un coté et un canal d’irrigation de l’autre, et l’étendue jaune des épis de riz devant moi. Depuis, c’est le même paysage qui me suivra, ponctué par mes arrêts où je retrouve mes amis américains et Marcel, pèlerin allemand parti à Lausanne. Nous nous retrouvons comme des vieilles connaissances à Vercelli, dans le garde-manger de l’abri pour pèlerins du Convento di Biliemme, tenu d’une main de fer par Angela, qui n’en a rien d’un! 

Depuis, je croise sur mes étapes Jean, retraité français à l’humour blasé mais d’assez bonne compagnie pour partager un repas ensemble à Gropello Cairoli, toujours dans la plaine. Nous nous sommes recroisé sur le pont couvert de Pavie et dormons dans la même auberge. D’aucuns penseront que ces rencontres ne peuvent être que superficielles. Pourtant, comme on sait qu’on ne se verra peut-être plus après, la conversation devient d’autant plus franche et souvent profonde. 

Pavie est un joyau. C’est la capitale des Lombards et de l’architecture romane en Italie. Certaines églises, comme San Michele Maggiore et San Teodoro sont à couper le souffle. Les tombeaux de Boèce et de Saint Augustin éveillent des émotions chez les visiteurs depuis plus d’un millénaire. Je m’y suis arrêté avec joie et y ai été conforté dans la chaleur et la gentillesse des gens ... Il me reste un peu plus de vingt jours pour atteindre Rome, et me réjouis des kilomètres restants!