Friday 18 October 2013

Viterbo-Roma

Et Viterbe est une réelle surprise! Elle cache, à l'intérieur de ses murs, un quartier médiéval digne d'un film hollywoodien: ruelles, arcs romans, escaliers dans tous les sens et un palais papal. Elle fut, en effet, le siège de la Papauté durant une partie du treizième siècle, lorsque Rome devint insalubre à cause de troubles civils. Plusieurs conclaves y ont eu lieu, dont celui de Grégoire X qui dura 20 mois. La population en eu tellement marre qu'elle décida d'enfermer les cardinaux dans la salle d'élection. En Latin, ils furent enfermés 'cum clave' (à clef), d'où le mot 'conclave'.

Lundi matin, je quitte Viterbe par la Porta Romana et m'engage dans la foret qui borde le lac et l'ancien volcan de Vico. En haut, à une altitude de près de 800 mètres, la vue sur le lac et ses collines environnantes est saisissante. Vient ensuite un long sentier suivant les lèvres du cratère pour finalement arriver à Ronciglione. La ville a un noyau médiéval étonnant, perché en haut de falaises d'origine volcaniques. Ce relief reste omniprésent jusqu'à Sutri où je passe la nuit avec mes deux compagnons du moment, Stefano, Daniel, et Willem, un pèlerin néerlandais désormais devenu une vieille connaissance. Nous dormons dans un gite tenu par ldes soeurs carmélites.

En fin d'après-midi, je profite des quelques heures qui me restent pour visiter le petit musée municipal. Son directeur, de mon age, me fait un exposé détaillé de l'histoire cette petite ville actuellement très périphérique, mais très ancienne et qui, au cours du Moyen-Age, a su conserver son importance et son intégrité. Comme elle n'a jamais connu de destruction, les caves du pretre sont dans les anciens bains romains, le forum a encore sa place et la tour civique est perchée sur l'ancien arc de triomphe. Seule la ville basse a étée abandonnée lors de la renaissance. La falaise est trufée de tombeaux étrusques, l'amphithéatre, entièrement taillé dans la roche, est impressionnant et l'ancien temple de Mithras, lui-meme installé dans une ancienne tombe, a été transformé en église au quatrième siècle et est encore consacrée, sans qu'aucun nouvel aménagement y eut été fait durant plus de mille ans.

Je quitte donc avec regret ce joyau du Latium pour entamer ma pénultime journée de marche. Seules quelques trajets entre les champs de noisetiers le matin, puis des routes de banlieue et de de pénibles morceaux de route nationale. J'arrive un peu sonné à Campagnano di Roma, où je ne m'arrete que pour manger mon pain, mon fromage et mon jambon. Malgré une courte pluie d'orage, le sentier de l'après-midi est magnifique en passant par le Parc del Sorbo.

Formello sera donc la dernière étape avant Rome. Jolie ville construite en hauteur, nous logeons dans le tout nouvel Ostello della Gioventù de la ville, au dessus du petit musée. La fatigue et le temps variable me garde pourtant à l'intérieur et j'en profite pour rattraper les jours manquant à mon carnet de voyage. Le repas du soir dans le petit resto d'en face (menu du pèlerin, 12 euro) se passe étonnament comme à l'acoutumée: nous passons en revue le trajet de la journée passée et de celle qui vient.

Enfin, mercredi matin, j'entame la dernière journée de mon pélérinage (30 km). Durant les premiers 15 km, la présence de Rome n'est pas encore palpable. Le chemin traverse en effet le parc naturel de Veio et ses champs et bosquets. J'ai une dernière conversation de 'bord de chemin' avec un Canadien passant promener son chien. Puis, l'itinéraire me fait passer par un torrent local sans indiquer qu'il s'agit de le traverser à gué. Normalement, ceci ne poserait pas de problème mais les dernières pluies ont transformé le ruisseau en un torrent d'eau boueuse qui fait hésiter les deux intrépides marcheurs que Daniel et moi sommes devenus. Nous restons là quelques minutes à chercher une solution de contournement qui ne nous ferait pas marcher 10 km de plus, mais malheureusement la seule solution et des prendre son courage et ses chaussures à deux mains et de s'y lancer prudemment. Finalement, le niveau ne dépassait pas 50 cm et nous arrivons rapidement de l'autre coté avec les pieds noircis de vase.

Nous pouvons alors gravir la dernière ascencion de la journée jusqu'à La Storta, hameau de la banlieue de Rome par où passe une des grandes artères d'accès à la ville. Puis, c'est la Via Trionfale avec un traffic incessant mais heureusement équipé d'un troittoir. Je m'arrete à Ottavia, à mi-chemin, dans un bar et y trouve Stefano qui a évité le gué et coupé par la grand-route. Notre périple étonne les quelques clients du bar et nous échangeons nos impressions. Finalement, je continue ma descente à travers l'infinie banlieue et fais une dernière pause sur le Monte Mario, d'où la vue sur la Ville Eternelle est imprenable et j'y retrouve Daniel. C'est un magnifique spectacle de rouge et d'or. La ville remplit la vallée du Tibre et s'étend à nos pieds. Les coupoles et colonnes lui donnent sans doute le meme visage qu'elle a depuis toujours. Le soleil et une légère brume lui donne un aspect lumineux. C'est sans doute à cet endroit où j'ai le plus eu l'impression d'arriver. Meme si le pélérinage mène à Saint-Pierre, c'est une ville que je rejoint, et la voire en entier donne l'impression d'avoir gagné sa destination.

Vient enfin la dernière descente vers la ville. A l'approche des musées du Vatican, les rues se remplissent de touristes. J'ai du mal à rester sur le trottoir tellement il y a de monde. Curieusement, je vois une dernière balise de la Via Franciugena, un simple autocollant autour d'un panneau de stationnement, à à peine dix mètres des colonnes. Enfin, je passe les marches du portique et arrive sur la place Saint-Pierre, plissant les paupières pour contempler l'imposante façade de la Basilique. Une impression de vide m'emplit. Sans doute est-ce à cause de la pénible route de banlieue, sans doute est-ce à cause de la foule de touristes, de fidèles et d'ecclésiastiques qui tourbillonne sur la place. Finalement, je me dis que le point d'arrivée n'est qu'un point parmi les autres sur la longue ligne que j'ai parcourue depuis la Belgique. Les émotions sont induites par l'accomplissement du voeu ou du projet. Comme m'ont dit certains, une fois pèlerin, toujours pèlerin, durant toute notre vie.

Comme par fatalité, je tombe sur Daniel qui a été rejoint par son amie. Nous avons de la peine à nous quitter et partons célébrer nos adieux atour d'une bière dans le Transtévère. Nous échangeons des souvenirs, des impressions. Finalement, nous nous quittons et je me rends à l'accueil pour pèlerins géré par la Confrérie de Saint-Jacques. Une bonne douche me éclaircit les idées et je me rends à la salle commune pour la cérémonie du lavement des pieds et le repas du soir. Finalement, je me sens encore un peu pèlerin car je dois encore me rendre au Vatican pour recevoir un tampon prouvant mon passage et le fameux Testimonium. Ce diplome, qu'on peut obtenir notament dans la sacristie de la basilique Saint-Pierre reconnait que le pèlerin a effectué son périple 'devotionis causa' et donne également accès au tombeau de Saint-Pierre situé dans la grotte du Vatican, immédiatement sous le pavement de la basilique. J'en sors encore de bonne heure, bois un café avec Stefano rencontré dans la sacristie et me dirige vers le Quirinal où habite un lointain cousin italien, que je me réjouis de rencontrer. Ensuite, je poursuis ma route vers la basilique de Sainte-Marie-Majeure, puis Saint-Jean de Latran, et enfin Saint-Paul-hors-les-Murs. J'y demande mon dernier et quatrième tampon dans la sacristie et assiste à la messe. Je fais un tour dans le vaste édifice, écoute les sons émanant des guides audios, observe un groupe de bonnes soeurs descendant vers le sanctuaire et je décide de sortir de l'église. Quelques chapitaux corinthiens et des morceaux de colonnes sont posées ci et là dans le jardin. Il fait beau, j'ai la soirée devant moi, je me sens reposé. Finalement, je sens que je n'ai plus besoin de marcher et je décide de prendre le métro pour revenir vers le centre.

J'étais pèlerin et je suis devenu touriste! Je suis libre, j'ai le droit d'aller où bon me semble et surtout je vais retrouver mon amour, ma famille et tants d'amis dont j'ai eu le privilège de regretter leur présence. C'est le plaisir du retour!

Merci à vous pour avoir eu la patience de me lire.